Témoignages

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Martine Hermans Auriel

Pek, mon chéri,

Un soir tu m’as dit : je crois que j’ai la maladie d’Alzheimer. Nous étions en vacances... quel coup de poing au cœur ! Il est vrai que j’avais constaté depuis quelques temps des changements dans ton comportement, des incompréhensions entre nous, des coups de colères qui ne te ressemblaient pas, de la fatigue, de la dépression... toi qui étais d’habitude si calme et posé malgré les responsabilités qui t’incombaient au sein de tes 5 sociétés couvrant tes 9 magasins.

 

Je t’aimais tellement que je t’ai immédiatement promis que je serais toujours à tes cotés quoi qu’il arrive... et j’ai tenu parole mon amour! Nous en avons parlé toute la nuit, nous nous sommes accrochés à notre tendresse, tu as fini par t’endormir et j’ai pleuré.

 

Chose in- croyable : dès le lendemain j’ai OUBLIE ce que tu m’avais confié, nous n’avons plus jamais parlé d’Alzheimer entre nous deux, je suppose que mon inconscient a refusé cette horrible vérité.

 

Ce refus a duré 4 ans, pendant 4 ans je me suis débattue contre l’acceptation de ce problème en me demandant pourquoi tu changeais tant, pourquoi l’invasion de tous ces post-it sur ton bureau, me demandant si tu m’aimais encore parce que nous ne nous comprenions plus comme « avant ». C’était seulement Alzheimer qui traçait son sillon de cafard, de mort lente.

 

Un jour, je décide de consulter notre médecin me disant que puisque je ne te comprends plus, peut-être suis-je atteinte de « légère paranoïa ». C’est là que tombe le couperet, après investigation, il nous suggère une visite chez un neurologue et le verdict est : Alzheimer... seigneur, pourquoi TOI ? Tu ne le sauras pas, je ne veux pas que tu saches, après 4 ans tu l’as peut-être oublié ? Toi si beau, si fort, toi qui réussis tout ce que tu entreprends, tu ne sauras pas, car tu connais Alzheimer, tu as vu les ravages qu’il a causé sur ta sœur dont tu étais si proche.

 

Commencent alors 10 années si dures, si dures moralement, si dures physiquement. 10 longues années pendant lesquelles tu as été condamné à perdre petit à petit tes facultés intellectuelles et physiques . 10 longues années pendant lesquelles j’ai été condamnée à les constater. Mais 10 ans d’Amour, je savais t’aimer bien sûr, mais je ne savais pas : à ce point !

 

Et toi, jusqu’au bout du chemin tu m’as reconnue, tu m’as dit je t’aime et lorsque la parole t’a quitté tu me l’as dit avec tes yeux, avec ton sourire. Cet amour, le tien et le mien, m’a donné la force de t’aider à vivre et cette certitude qu’Alzheimer n’a pas réussi à séparer nos cœurs m’a procuré un grand bonheur. Au bout de ces 10 longues années, ton corps s’est épuisé et j’ai eu cette chance de pouvoir te garder dans mes bras jusqu'à ton dernier souffle, de marcher avec toi aussi loin que possible.

 

 Je n’ai pas pu faire tout ce chemin seule, c’est impossible sans aide, c’est pourquoi je remercie les médecins, infirmiers et garde-malades. Et principalement le Baluchon Alzheimer car je pense que sans son appui moral et ses précieux conseils, je n’aurais peut-être pas pu t’accompa- gner jusqu’au bout et dans quelle détresse aurais-je dû alors laisser à une institution le soin de veiller sur toi .


Mon Alzhei...Mère

Mon « Alzhei ... Mère » nous a quittés il y a quelque temps mais ce temps d’avant la finale de sa course me reste en mémoire afin d’être sa mémoire et vous apporter son témoignage. 

 

C’est dans une Maison de Repos et de Soins qu’elle fût accompagnée par une équipe soignante, quelques bénévoles et moi . Ensemble, nous avons consigné l’évolution de sa maladie dans un Journal de bord qui pourrait s’intituler: « De la mémoire défaillante à la communication non verbale au fil des jours » ! 

Je viens de le relire avec sérénité malgré la douleur de ce rappel d’un vécu au quotidien. Il est le véritable miroir de ma Mère passant imperceptiblement ... de l’autre côté .

 

Ma Mère fut une femme effacée mais efficace à tous les âges de sa vie. Ma Mère, femme raffinée, amoureuse du Beau, a approché la peinture, la musique , le théâtre. Elle fut surtout sensible à l’Autre.

 

Ma Mère fut aussi une femme alitée durant huit années perdant le fil du temps, jour après jour et inéluc- tablement. Elle a d’abord perdu le fil des mots et de la conversation mais a récité encore longtemps le texte intégral de la chanson de son idole Julos Beaucarne : « Nous sommes 180 millions de francophones dans le monde » dernier vestige de sa grande mémoire en perdition... Après, elle s’est tue pour toujours mais a donné le relais à l’expressivité de son visage lors de l’écoute de la musique. Sa sensibilité a défié l’usure des connaissances en se traduisant dans les émotions vécues par exemple en dégustant une crème aux fraises ou un jus de melon apportés par une « bénévole ». Les soins de confort tels massages, musique relaxante étaient l’occasion de communications non verbales mais pleins de messages en pro- fondeur entre les « acteurs ».

 

Marie, ma Mère s’en est allée un beau matin, dans le calme et la sérénité, en m’offrant le plus beau de tous les cadeaux : un large sourire empreint de douceur et d’amour avant le baisser de rideau final d’une pièce jouée avec empathie malgré toutes les embûches du rôle ...


Mon petit jardin secret

C'était un matin, environ 8:30, quand un homme d'un certain âge est arrivé pour faire enlever les points de suture de son pouce. Il dit qu'il était pressé car il avait un rendez-vous à ... 9:00. Il devait aller dans une maison de santé pour déjeuner avec sa femme...

 

Je me suis informé de la santé de sa femme. Il m'a dit qu'elle était là depuis quelque temps et qu'elle était victime de la maladie d'Alzheimer... J'ai demandé si elle serait contra- riée s' il était en retard. Il a répondu qu'elle ne savait plus qui il était, qu'elle ne le reconnaissait plus depuis 5 ans.

 

J'étais surprise et je lui ai demandé : "Et vous y allez encore tous les matins, même si elle ne sait pas qui vous êtes?"... Il souriait en me tapotant la main et dit : "Elle ne me reconnaît pas, mais moi je sais encore qui elle est".

 

J'ai dû retenir mes larmes quand il est parti et je pensais, que c'était le genre d'amour que je veux dans ma vie. Le vrai amour, ni physique ni romantique, le vrai amour est l'acceptation de tout ce qui est, a été, sera et ne sera pas. Les gens les plus heureux n'ont pas nécessairement le meilleur de tout, ils s'organisent du mieux qu'ils peuvent avec ce qu'ils ont.  

 

Donner vaut plus que de recevoir. 

Salima


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